Pour replacer dans son contexte, l’histoire commence en mars, aux alentours du 17.
Je ne vais pas bien, je viens d’apprendre des nouvelles difficiles. J’ai l’impression que mes projets de vie s’effondrent, que Dieu m’a abandonné. Je me sens seule, j’ai juste envie de m’amuser. J’ai envie d’un garçon pour prendre soin de moi.
Je suis révoltée contre Dieu. Pourquoi, à cause de toi, je n’ai pas le droit de vivre comme tout le monde ? Pourquoi je ne peux pas me bourrer la gueule, coucher avec des garçons, fumer ? Pourquoi est-ce que je suis obligée d’écouter toutes ces lois, tous ces préceptes pour être une bonne chrétienne ? Pour paraître être une bonne chrétienne ! D’ailleurs, si tu ne m’aimes pas parce que je ne t’obéis pas, parce que je n’obéis pas à ce légalisme qui prend racine chez les chrétiens, c’est qu’en fait, tu ne m’aimes pas pour qui je suis. Si ton amour est conditionné à mes bons comportements, ce n’est pas de l’amour.
Je me sens vide. Plus rien n’a de sens. Et puis, il y a ce garçon. Un soir, le soir de la saint-Patrick, sans rien attendre et sans rien prévoir, on s’embrasse. Pour moi, c’est juste un bisou comme ça. Un bisou qui fait du bien. Peut-être que je suis quand même jolie ? Peut-être que les garçons peuvent quand même s’intéresser à moi ! Je n’ai pas compris qu’en fait, c’était un peu plus que ça. Quelques jours après, il m’invite pour un rencard. Bien sûre que j’y vais. Attend, pourquoi je n’aurais pas le droit de m’amuser un peu ? J’ai besoin de baume sur mon cœur. On passe du temps ensemble. Un peu, beaucoup. Sans me demander, il envahit mon espace, il envahit ma coloc. Il est tout le temps là. Et même si intellectuellement, je ne suis pas vraiment d’accord avec cela, ça me fait tellement de bien de savoir que quelqu’un apprécie ma compagnie que je ne dis rien. Ce n’est pas sérieux entre nous. Il n’y a pas d’avenir possible. Il n’est pas chrétien.
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que ça change qu’il ne soit pas chrétien ? Pourquoi est-ce que je n’ai pas le droit de faire ma vie avec un non-chrétien ? Encore du légalisme. Des amies l’apprennent, certaines se prennent le droit de me dire que je fais une grosse erreur. Je suis encore plus révoltée. De quel droit se permettent-elles de me juger ? Je peux utiliser cette relation pour apporter de la lumière à ce garçon…non ?
Un après-midi, je vais boire un café avec un ami. On discute de tout et de rien. Il aborde le sujet de l’égo, le fait que pour suivre Dieu et connaître sa miséricorde, on doit se tuer nous-même, crucifier notre moi, notre soif du monde. Je fonds en larme. Dans cette relation avec ce garçon, je ne glorifie pas Dieu, tout ce que je fais, c’est nourrir toujours un peu plus ma fierté. Remplir le vide en moi par une relation. Je décide de trouver le garçon en question et de lui dire que c’est fini. Que je ne peux pas vivre ma foi en étant avec lui.
Seulement, deux jours après, il revient me voir et je suis trop faible pour le repousser à nouveau. Il me dit que cette fois, c’est du sérieux, qu’on est vraiment ensemble, qu’on va être un vrai couple. Et je plonge.
D’un côté, il me fait beaucoup de bien, il écoute mes peines, il est là pour moi. Mais toujours, dans mon cœur, je sais que je ne suis pas en train de glorifier Dieu. Et parce que je sais que je n’accomplis pas sa volonté, je lui en veux en me répétant que s’il ne veut pas pour moi ce qui me fait du bien, c’est qu’il ne m’aime pas. Lire ma bible et prier devient difficile, mon temps est consacré à ce garçon.
Un après-midi alors que cette question me torture vraiment, que le fait de ne pas savoir comment agir, de savoir que je devrais le quitter pour mettre les choses en règle avec Dieu mais de ne pas du tout en avoir ni la force ni l’envie, je prie. Je prie et je pleure. Je crie à Dieu. Je lui déverse mon désespoir. Au bout d’un temps, je suis apaisée. J’ai la certitude que Dieu gèrera tout ça, que je dois le laisser diriger toutes choses.
Malgré tout, je m’éloigne de mes amies chrétiennes, je ne veux pas entendre parler de Dieu parce que j’ai honte. Comment avouer que je suis en couple avec un musulman, en sachant très bien que cela m’amène à sacrifier ma relation avec mon Dieu, mon Sauveur ?
Par moments, tout se passe pour le mieux. On s’entend bien, on rigole bien. D’autres, c’est la catastrophe. Je ne me sens pas moi-même, je me sens faible, je me sens toute petite. Je n’ose pas vraiment lui dire tout ce que je pense parce que ses réactions sont chaudes ou froides. Par moment, il va être doux comme un agneau, alors qu’à d’autres moments, il va me dire que ce que je raconte c’est de la merde. Mais il me fascine. Certains aspects de sa personnalité sont pour moi des mystères que je souhaite approfondir. Il éveil ma curiosité. Je suis prête à tout lui pardonner, parce qu’il sait mieux que moi. Il est terriblement intelligent, il sait lire dans les gens. Il a vécu tellement d’histoires différentes, il a tout connu, tout vu. A côté de cela, il peut se montrer incroyablement généreux, il m’impressionne autant par ses actions parfois carnavalesques que par ses paroles. Parce que oui, il parle bien. Mais d'un autre côté, je ne me sens pas toujours bien dans cette relation, je ne me sens pas toujours comprise, pas toujours écoutée. J’ai l’impression de devoir sacrifier différentes parties de moi pour que ça puisse marcher entre nous.
Je me rappelle un soir où je lui ai fait la réflexion : parfois, je me demande ce que j’ai à gagner dans cette relation. Ce soir-là, il s’est senti mal, alors j’ai culpabilisé. J’ai était attendri par sa réaction : il m’a serré tout fort dans ses bras, et quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu que c’est parce qu’il avait eu peur que je parte.
En même temps, j’ai traversé des heures très sombres. Je me suis retrouvée dans des tourbillons de pensées que je n’avais plus eu depuis un long moment. J’ai imaginé des scénarios dans lesquels je me jetais par la vitre de ma chambre, j’atterrissais dans la rue et un camion me roulait dessus. Et je prenais du plaisir à imaginer qu’enfin, je pourrais arrêter de me battre pour la vie. Dans ces moments-là, il m’a écouté. Il m’a dit des paroles qui m’ont fortifiées.
Mais je pleurais souvent. Très souvent parce que mes émotions n’étaient pas à leur place et mes pensées non plus. Parfois, c’était simplement une remarque de sa part, parfois, c’était une situation imaginaire entre moi et un autre protagoniste. Et d’autres fois encore, c’était juste à cause d’une réflexion sur le sens de la vie. Au fur et à mesure, il s’est montré de moins en moins compréhensif. Mais j’étais devenue accro à ses compliments, j’étais devenue accro à lui.
Je suis partie en vacances. Je m’attendais à ce que ce soit le silence radio mais ce ne fut pas le cas. On s’est beaucoup parlé et envoyé des messages. J’étais heureuse. J’avais l’impression que notre relation prenait une nouvelle direction. Ma prière n’était plus vraiment que Dieu me donne la sagesse et la force de le quitter, mais juste que Dieu touche son cœur pour qu’on puisse véritablement faire des projets d’avenir.
Seulement, quand je suis rentrée de vacances, je n’allais pas bien. Pas bien du tout. J’étais fatiguée et j’avais passée les 36h de vols à écouter mes pensées tourner en boucle. La vie ne sert à rien. Tu t’épuises, tu te bats et tu meurs. Personne ne t’aime, personne ne peut t’aimer. Tu n’es qu’une façade. Derrière ta façade, il n’y a que décombres. Dieu t’a abandonné. Peut-être qu’il n’existe même pas.
Et puis on s’est retrouvé. C’était génial, il m’avait manqué. Il m’a dit qu’il m’aimait, je n’en revenais pas. Mais d’un autre côté, j’étais épuisée. Je pleurais tout le temps. J’avais juste envie de me ressourcer, de revenir à Dieu.
Et puis, j’ai pu discuter avec quelques amies chrétiennes. Des amies que j’avais fui parce que j’avais honte. En parlant avec elles, en parlant de Dieu, la lumière s’allumait à nouveau dans mon cœur. Et avec cette lumière, l’espoir. J’étais de nouveau heureuse. Mais dès que je rentrais à la maison, dès que je retrouvais cet homme, mon cœur s’assombrissait.
Hier matin, j’ai fait cette prière :
« Papa, ma prière ce matin, c’est que tu diriges mon cœur vers tes voies. Je veux te glorifier, pourtant mon cœur s’éloigne de toi. Je ne sais pas ce qui est bon, je ne suis pas affermie dans le chemin que je prends. Malgré tout père, je ne veux pas te perdre. Je veux continuer à te louer, t’honorer, te rendre gloire. Je sais que tu connais mon cœur et mes faiblesses. Je sais que tu peux transformer toutes choses. Que ta puissance dépasse tout. »
Sous cette prière, j’ai recopié ce verset : Réponds-moi vite, Éternel. Car mon esprit s’épuise. Ne me cache pas ton visage. Psaumes 143.
Je ne m’attendais pas du tout à ce que la situation prenne cette tournure.
Le soir, j’écrivais un message à une amie. Les larmes coulaient le long de mes joues parce que je parlais de ce qu’il y avait eu dans mon cœur ces derniers jours. Quand il est arrivé, il m’a demandé ce qui se passait. Je n’ai pas voulu lui répondre. Il a insisté. Je lui ai alors exposé la situation en abrégé. Il s’est permis de me dire que ce n’était rien. Que sur l’échelle de l’humanité, mes problèmes n’étaient rien. Que si j’avais connu la misère comme il l’a connu, je me rendrais compte que tout ça, ça ne compte pas.
En entendant ces paroles, mes larmes ont redoublé. J’ai essayé de me contenir, mais chaque fois que j’ouvrais la bouche, il rajoutait une couche, il me rappelait que tous mes problèmes, ce n’était pas vraiment des problèmes. J’ai fini par lui dire que je n’en pouvais plus. Je n’en pouvais plus de l’ascenseur émotionnel dans lequel je me trouvais quand j’étais avec lui. J’étais fatiguée de passer de l’extrême joie aux larmes en un rien de temps. Il m’a dit que pour lui, si je n’en pouvais plus alors que ça ne faisait que deux mois qu’on était ensemble et qu’on avait pas eu de dispute, ça ne pourrait pas durer. Je lui ai quand même demandé s’il était prêt à en parler, il m’a dit que ce n’était pas la peine.
Il a pris ses affaires, et il est parti.
Oui, ça m’a rendu triste, et en même temps j’étais soulagée.
Dieu avait permis que je trouve la force d’initier la séparation tout en ne m’en donnant pas toute la responsabilité.
En relisant mon carnet de prière, je me suis rendue compte que le timing était parfait. Que Dieu avait été le chef d'orchestre.
Alors maintenant, tout ce que je désire, c’est remplir le vide de mon cœur par sa présence, par sa force, par son amour et par sa paix.
Parce qu’il est toujours fidèle.
Parce que même si j’avais pris délibérément la décision d’aller à l’encontre de sa volonté pour moi, il n’a cessé de conduire les choses.
-- Aline